Vers un dialogue social pour les VTC et Livreurs?

Temps de lecture : 8 minutes

19 mars 2021

La Mission Mettling, mise en place par la Ministre du Travail et de l'Emploi, Elisabeth Borne, a remis son rapport le 15 mars dernier. Dans la continuité des travaux initiés par la Commission Frouin, Pauline Trequesser, Mathias Dufour et Bruno Mettling avaient pour mission d'étoffer le cadre juridique régissant l'activité des travailleurs de plateformes de livraison et de transport de personnes. Les principales propositions sont la représentation des travailleurs et l'ouverture d'un dialogue social pour mieux encadrer et réguler les relations entre plateformes donneuses d'ordre et travailleurs indépendants, afin de mieux protéger ces derniers.

Une ordonnance pour encadrer les relations entre travailleurs indépendants et plateformes

Les propositions de la Mission Mettling, qui ont fait l'objet de discussions avec les partenaires sociaux, les représentants des organisations patronales et les collectifs, comme UNION, regroupant de nombreux indépendants, vont déboucher sur une loi adoptée par voie d'ordonnance associée à une dizaine de décrets d'application. Une fois les décrets parus, l'ambition du législateur est d'organiser en 2022 des élections par voie électronique auprès des chauffeurs VTC et des livreurs afin qu'ils choisissent leurs futurs représentants pour négocier et défendre leurs droits. Union ambitionne d'être l'une des organisations représentatives des indépendants travailleurs de plateformes et de les aider à s'organiser pour être présents aux élections et peser dans les futures négociations avec les plateformes.
 

Bruno Mettling est président fondateur de Topics, conseil en stratégie de transformation sociale.

Ancien DRH du Groupe Orange, il est l’auteur du rapport "Transformation numérique et vie au travail", sept. 2015.
Pauline Trequesser est fondatrice du collectif de freelances Cosme dans la région bordelaise.
Mathias Dufour anime le Think Tank #leplusimportant qui travaille sur le développement du numérique.

Rapporteurs de la Mission Mettling

Quels sont les principaux enseignements des propositions de la Mission Mettling?

Le Ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion a présenté aux partenaires sociaux les conclusions de la mission Mettling. Celle-ci était notamment chargée de faire des propositions législatives en préparation de l’ordonnance prévue par l’article 48 de la LOM et portant sur les modalités de représentation des travailleurs indépendants et de dialogue social au sein des plateformes numériques d’emploi.


Union-Indépendants a une nouvelle fois rappelé que les travaux laissaient de côté de nombreux indépendants exerçant en solo, intermédiés ou non par des plateformes numériques, qui pourtant sont en attente d’une amélioration de leurs droits et d’une représentation.


Pour autant, il faut noter l’étape importante qui sera franchie avec la publication de l’ordonnance qui posera enfin la première pierre d’une représentation et d’un dialogue social digne de ce nom.
Union-Indépendants se félicite que le rapport reprenne un grand nombre des propositions faites durant les auditions et qu’il s’inscrive dans une logique d’expérimentation. Il permet de poser les bases d’une représentation et d’un dialogue social adapté à la situation particulière de ce secteur, tout en prévoyant des éléments de souplesse ainsi qu’une clause de revoyure à l’issue du premier cycle électoral.
En matière de représentation d’abord, les travailleurs (VTC ou livreurs) pourront choisir leurs représentants parmi un grand nombre d’acteurs qu’ils soient centrales syndicales ou collectifs de travailleurs. Par ailleurs, Union-Indépendants salue le choix de la mission d’ouvrir largement la participation au scrutin et de faciliter au maximum le vote. Ce sont là des éléments essentiels pour une représentation démocratique.

Les éléments prévus pour la formation des représentants et leur protection sont aussi des gages donnés aux travailleurs indépendants.
En matière de dialogue social, le rapport pose les premières règles nécessaires à enclencher la dynamique. Union-Indépendants accueille favorablement l’organisation prévue pour les deux premiers cycles d’abord au niveau du secteur puis des plateformes.
L’obligation de mise en place d’un dialogue social au niveau des plateformes répond à une demande des travailleurs que le seul dialogue direct ne satisfait pas. En revanche, il est à regretter qu’il n’y ait pas d’encadrement minimal de l’accord conclu au niveau sectoriel concernant les modalités de représentation et de dialogue au niveau des plateformes.

"la structuration d’un dialogue social est la première réponse que nous devons apporter aux travailleurs et aux plateformes pour assurer un meilleur équilibre entre les acteurs"

Elisabeth Borne, Ministre du Travail, de l'Emploi et de l'Insertion. Le 11 janvier 2021

Comment les choses vont-elles se passer en pratique?

Qui est concerné?

Conformément au champ d’habilitation de la future ordonnance, les propositions de la Mission Mettling ne concernent que les plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixent leurs prix et les travailleurs indépendants qui s’y connectent (articles 7341-1 et 7342-1 du Code du travail). Cela concerne à date environ 100.000 travailleurs, principalement des chauffeurs VTC et des livreurs à vélo.

A quel niveau se situe le dialogue social?

Les proposition de la Mission visent un double niveau de dialogue social structuré (secteur et plateformes). Dans un premier temps la représentation et le dialogue se situeront au niveau du secteur et en laissant le soin aux acteurs eux-mêmes de définir les modalités de représentation et de dialogue à mettre en place au niveau des plateformes. la priorité donnée au niveau sectoriel tient à ce qu’il constitue le niveau le plus adéquat pour instaurer un socle commun et d’obligation, sans distorsion de concurrence entre les plateformes,

L'ARPE, puissance organisatrice des élections et arbitre des futurs débats

Une autorité publique agile, “Autorité nationale des relations sociales des plateformes d’emploi” (la ARPE) est mise en place pour être le tiers facilitateur et l’arbitre de relations sociales de qualité. Son rôle sera d'organiser les élections, faciliter les relations entre acteurs, protéger les représentants des travailleurs, émettre des propositions sur les pratiques et la régulation sociale des plateformes. L'ARPE constituera un espace d’observation et de proposition sur les pratiques et la régulation sociale des plateformes.

Comment seront organisées les élections?

Les représentants des travailleurs de plateformes seront désignés par une élection nationale organisée tous les deux ans, par secteur (une pour les travailleurs de plateformes de chauffeurs VTC et une pour ceux des plateformes de livreurs). Il s'agira d'un scrutin sur sigle (on vote pour des organisations qui ensuite mandatent des représentants), ouvert à toutes les organisations (centrales syndicales de salariés et collectifs de travailleurs de plateformes, comme Union-Indépendants) sous réserve du respect des critères de la loi de 2008 (respect des valeurs républicaines, indépendance vis-à-vis des plateformes, transparence financière… critères adaptés notamment en matière d’ancienneté, seuls 6 mois d’ancienneté étant requis). Un scrutin sur sigle facilite la continuité des acteurs et offre de meilleures garanties pour les représentants. Le seuil de représentativité est fixé à 5% des suffrages exprimés pour qu’une organisation soit reconnue comme représentative des travailleurs

Qui peut voter et qui pourra être représentant?

L’ancienneté requise est, pour les travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique, de trois mois pour être électeur au cours des 6 derniers mois précédant la constitution des listes électorales. Les organisations représentatives issues de ces élections désigneront parmi les votants volontaires leurs représentants habilités à participer aux négociations sociales sectorielles puis au niveau des plateformes. Ces travailleurs indépendants définis à l’article L. 7341-1 désignés pour exercer des fonctions représentatives bénéficieront de jours de formation au dialogue social ainsi que de jours de délégation consacrés à la négociation. Ils auront droit pour cela à une indemnisation forfaitaire au titre de la baisse de leur chiffre d’affaires.

Quels seront les champs du dialogue social?

Les conditions d’exercice de l’activité, les modalités de détermination du revenu des travailleurs, dont le prix, les conditions de travail et risques professionnels, les modalités de partage d’informations et de dialogue sur les conditions d’exercice et de changement de ces conditions, la qualité de service attendu et les modalités de contrôle de la réalisation du service, les circonstances qui peuvent conduire à une rupture des relations commerciales et les garanties des travailleurs à ce sujet.

Les prochaines étapes

● L’ordonnance sera applicable dès sa publication, au plus tard le 24 avril 2021.
● La mise en place de la ARPE pourrait intervenir, après une phase de préfiguration, avant la fin 2021, notamment pour lancer l’organisation des élections
● En comptant une publication possible d’ici l’automne des décrets d’application, une tenue des élections semble envisageable au printemps 2022.
● Le dialogue social au niveau de chaque secteur pourrait être lancé à partir du second semestre 2022. Seront notamment discutées dès la première année les conditions de représentation des travailleurs et de mise en place d’un dialogue social au niveau des plateformes elles-mêmes.

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