Les plateformes de travail numérique : vers un dialogue social international ?

Temps de lecture : 6 minutes

19 mars 2021

Le rapport Emploi et questions sociales dans le monde de l’OIT paru en février 2021 traite de l’impact des plateformes numériques sur le travail. 12 000 travailleurs de plateforme, 70 entreprises, 16 plateformes et 14 associations de freelances ont été interrogés à travers 100 pays. Dans un monde en plein boum digital, le nombre de plateformes de travail numérique a été multiplié par 5 en 10 ans. Une croissance qui booste parfois l’emploi, mais creuse les inégalités. Cette nouvelle forme de travail interpays ne pouvant être ignorée, elle pose la question d’une coopération à l’échelle planétaire. Voyons ce que l’Organisation internationale du travail recense et préconise.

Les plateformes de travail numérique sont source d’opportunités pour les travailleurs et les entreprises

777. C’est le nombre de plateformes de travail numérique recensées en 2020. L’Organisation internationale du travail en distingue deux types : 

  • les plateformes en ligne, qui proposent des prestations de service ;
  • les plateformes géolocalisées, pour les services locaux (par exemple les chauffeurs-livreurs).

Des perspectives d’emploi pour les travailleurs

Pour l’OIT, ces plateformes créent de nouveaux débouchés professionnels à travers le monde. Les minorités des pays en développement sont notamment concernées, comme les femmes, les personnes handicapées, les jeunes, ou les migrants. De nombreuses entreprises ont également davantage recours à des plateformes en ligne, ce qui en accroit encore l’intérêt pour les freelances en quête d’opportunités. 

Les motivations des personnes diffèrent cependant selon la catégorie de plateforme à laquelle ils ont recours. Les prestataires de service à distance cherchent majoritairement un complément de revenu, et de la flexibilité. Les travailleurs de plateformes localisées citent le manque d’autres possibilités d’emploi, et un meilleur revenu comme motifs premiers. 


Un accès à des ressources supplémentaires pour les entreprises

La crise liée au coronavirus a augmenté les besoins de certains secteurs. C’est notamment le cas de la restauration, fortement dépendante des chauffeurs-livreurs. En parallèle, les plateformes offrent aux entreprises une main-d’œuvre disponible en permanence dans le monde entier. Ceci peut permettre de réduire certains coûts, de monter en efficacité et d’accéder à des savoir-faire spécifiques.


L’essor du travail en ligne révèle des inégalités à travers le monde

52 milliards de dollars. C’est le chiffre d’affaires qu’ont généré les plateformes numériques à l’échelle internationale en 2019. Les États-Unis et la Chine cumulent environ 70 % de ces recettes. Le reliquat se répartit dans le reste du monde avec 11 % pour l’Europe.


La répartition économique est disparate

Les recettes et investissements sont donc inégaux selon les régions. La majorité des financements provient aussi de l’Asie, d’Amérique du Nord, et de l’Europe. Il s’agit pour beaucoup de grandes entreprises technologiques. 
La répartition de l’offre et de la demande est suivie par le Online Labour Observatory depuis 2017. L’offre de travail s’est accrue avec la pandémie de Covid-19, alors que la demande tend à baisser. Elle émane globalement de pays développés, qui sous-traitent à des pays en développement. L’offre excédentaire engendre sur certaines plateformes une concurrence entre non-salariés, et incite à tirer les prix vers le bas.  

La disparité économique se situe donc à plusieurs niveaux. Révélatrice d’une fracture qui s’aggrave, elle pousse à s’interroger sur les inégalités qu’elle crée pour les prestataires et leurs entreprises.


Les conditions de travail questionnent

La multiplication des plateformes et la crise sanitaire exposent davantage la précarité dans laquelle les travailleurs sous-traités évoluent. Le rapport met notamment en évidence les sujets précis de questionnement :

  • imprévisibilité du travail et des horaires ;
  • irrégularité des revenus ;
  • protection sociale ;
  • liberté syndicale et droits de négociation collective.

Des cas de discrimination et de harcèlement ont en particulier été recensés par des travailleurs de plateformes localisées. Les chauffeurs sont par exemple facilement exposés à l’agressivité des clients, ou à des chauffeurs de taxi plus traditionnels. Les livreurs révèlent des comportements discriminants vis-à-vis de leur profession.


La concurrence entre entreprises est parfois déloyale

Les plateformes de travail numériques exercent sous l’autorité de lois différentes d’un pays à l’autre. Les conditions d’emploi et la durabilité des entreprises sont donc dépendantes de ces cadres juridiques distincts. 
Certaines plateformes ne sont par exemple pas redevables d’impôts. Des coûts parfois allégés, qui peuvent créer une concurrence déloyale vis-à-vis des sociétés classiques. 


Les Nations Unies proposent une réflexion internationale sur la place des plateformes numériques dans le monde du travail


Les plateformes alimentent nombre de débats au sein des gouvernements, des prestataires et des entreprises. Les solutions proposées pour pallier les difficultés ne sont pas unilatérales. Mais tous semblent admettre qu’une réflexion de fond doit être engagée. L’Espagne s’apprête par exemple à introduire dans son code du travail la "présomption de salariat" pour les livreurs. Une piste qui pose la question de la place du choix de ces personnes à exercer leur métier de façon indépendante et autonome. La France privilégie plutôt une démarche mettant le dialogue social au cœur des relations travailleurs -plateformes avec deux mesures : des élections syndicales en 2022 et la mise en place d’une Autorité Nationale des Relations Sociales des Plateformes d’Emploi (ARPE). 

S’il n’y a pas de réponse parfaite, l’OIT suggère néanmoins une concertation politique internationale, avec différents objectifs :

  • défendre les conditions de travail : suivi clair des travailleurs et des entreprises, facilitation les mobilités, application des lois sur le harcèlement, la santé et la sécurité au travail ;
  • assurer une protection sociale et légale : sécurisation des données personnelles, amélioration des conditions d’engagement (contrats), accès à des procédures de litiges et légales si besoin, ainsi qu’au droit de négociation collective ;
  • travailler sur les aspects financiers : protection des salaires, établissement de normes en matière de temps de travail, proposition d’une taxation pertinente pour toute l’économie numérique ;
  • garantir une concurrence loyale et créer un environnement favorable aux entreprises durables.

Un dialogue social commun pourrait limiter les inégalités des indépendants et aider au développement positif des entreprises. Vous êtes travailleur de plateforme et avez des questions sur vos droits ? N’hésitez pas à contacter Union.
 

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