Les indépendants en 2021

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07 février 2021

Odoxa et Union-Indépendants ont mené la première grande enquête sur les travailleurs indépendants depuis le début de la crise sanitaire.

L’interrogation de plus de 2 000 indépendants, 1 000 Français et trois Focus group ont permis de dresser un portrait complet de ces professionnels, de plus en plus nombreux dans l’Hexagone.

De leurs parcours à leur quotidien, les indépendants expriment leur attachement à leur statut mais aussi des difficultés importantes et une crise qui les frappe de plein fouet. 
Nous avons pu réaliser cette étude grâce à nos partenaires fondateurs, La Mutuelle Générale et Union Services, nos collectifs adhérents, l'Union des Auto-Entrepreneurs (UAE) et l'Association Professionnelle des Sports & Outdoor, mais aussi grâce aux concours de la Fondation Entrepreneurs de la Cité, la communauté du numérique "HappyDev", Adequancy, La Maison des Artistes/SMdA et à la Confédération des Commerçants de France. 

Les principaux enseignements du sondage

Leur parcours: devenir indépendant, un choix avant tout motivé par la liberté

  • Plus du quart (28%) des indépendants le sont devenus au cours des 5 dernières années, un choix très  majoritairement délibéré (85%).
  • L’autonomie (42%), la vision du métier (42%) et l’organisation du temps de travail (37%), principales motivations à  devenir indépendant.
  • Les travailleurs indépendants bénéficient d’une excellente image dans l’opinion (92%).
  • La formation est encore marginale chez les indépendants.
  • Résultat, certains rencontrent des difficultés, notamment en matière de compétences commerciales (37%),  juridiques (35%) et fiscales (34%).

L’indépendance est aussi synonyme de sacrifices

  • Une proportion importante d’indépendants cumule un autre statut : demandeur d’emploi (19%), salarié (14%) ou encore retraité (13%).
  • En moyenne, un indépendant travaille 37,5 heures par semaine, 41 heures lorsqu’il n’a pas d’autre statut en  parallèle.
  • La moitié des indépendants travaille à domicile et 92% d’entre eux affirment travailler dans de bonnes conditions.
  • Les indépendants rencontrent des difficultés importantes en matière de logement (45%) et de soins (45%).

La protection sociale et la représentation : les deux talons d’Achille du statut d’indépendant

  • Hormis la maladie et la responsabilité civile professionnelle, aucun risque social n’est couvert chez la majorité des indépendants.
  • 41% des indépendants ont hésité à le devenir à cause de la protection sociale, c’est aussi le premier frein chez les Français qui auraient aimé l’être.
  • Les cotisations obligatoires des indépendants sont en moyenne de 475€ par mois et ils contribuent volontairement à hauteur de 182€ par mois.
  • Indépendants et Français s’accordent sur le manque de représentation du statut et sur le fait que les indépendants sont mal représentés.

Les indépendants sont particulièrement touchés par la crise sanitaire et saluent le soutien de l’Etat

  • La crise sanitaire a affecté l’activité de 84% des indépendants.
  • Le chiffre d’affaires et la rémunération des indépendants ont baissé de près de 20% entre 2019 et 2020.
  • Le soutien de l’Etat est apprécié par les indépendants : 58% d’entre eux sont satisfaits des aides, mesures et de l’accompagnement apportés.

I - Le parcours des indépendants

Leur parcours : devenir indépendant, un choix avant tout motivé par la liberté

1) Plus du quart (28%) des indépendants le sont devenus au cours des 5 dernières années, un choix très majoritairement  délibéré (85%)

Fin 2019, la France comptait 3,6 millions de travailleurs indépendants. Ils n’étaient que 2 millions quinze ans auparavant.

Sans surprise, une part importante des 2 119 indépendants interrogés dans notre enquête s’est donc tournée récemment vers  ce statut. 28% des indépendants français ont moins de 5 ans d’ancienneté et 24% sont indépendants depuis 5 à 9 ans. Au  total, plus de la moitié (52%) a une ancienneté inférieure à 10 ans.

Pour l’essentiel, les indépendants étaient salariés avant de se lancer (70%). 13% étaient en recherche d’emploi, 10% chef d’entreprise et 7% étudiants.

Autre information intéressante sur leurs parcours : la majorité des ex-salariés ou chefs d’entreprise déclarent que leur métier  actuel est, au moins en partie, le même que celui qu’ils exerçaient jusqu’alors (56%). Pour d’autres, devenir indépendant a été  synonyme de changement de métier. C’est le cas de 44% d’entre eux et plus particulièrement dans les secteurs du commerce,  de l’hébergement et de la restauration (57%) qui compteraient donc plus de « reconvertis ».

Devenir indépendant a été un choix délibéré pour la quasi-totalité d’entre eux (85%) même si 14% nous confient qu’il a été  davantage contraint. Lorsqu’ils relatent les différentes raisons qui les ont poussés à franchir le cap, une forte aspiration à la  liberté émerge clairement.

La phase qualitative de l’enquête auprès des indépendants a permis de faire ressortir le fait qu’au-delà de l’hétérogénéité de  leurs raisons d’arrivée dans l’indépendance, ceux-ci se perçoivent comme des acteurs libres, autonomes, responsables et  optimistes.

« J’ai la liberté de faire le métier que je veux, avec les horaires que je veux. »

« J’ai réussi à trouver un équilibre et à m’offrir des moments de liberté avec la famille, quand je veux. Je prends la liberté de ne pas décrocher, ou de répondre en texto. On met le curseur où on veut, c’est l’indépendance. »

2) L’autonomie (42%), la vision du métier (42%) et l’organisation du temps de travail (37%), principales motivations à devenir indépendant

La liberté, maître-mot des indépendants ? C’est en tout cas ce que révèle la liste des raisons qui les ont poussés à prendre  leur envol.

En tête et à égalité, 42% d’entre eux citent leur envie d’être autonomes ainsi que celle d’exercer leur métier à leur manière.  Juste derrière, les indépendants évoquent l’organisation de leur temps de travail (37%).

Cette organisation choisie plutôt que subie leur permet aussi de mieux équilibrer leur vie professionnelle et leur vie  personnelle, 27% des indépendants citent cette raison.

La liberté, c’est aussi trouver du sens ou de l’éthique dans leur travail pour 26% des indépendants ayant choisi cette voie pour cette raison.

Les indépendants mettent par ailleurs l’accent sur leur liberté plutôt que sur les revenus qu’ils peuvent tirer de leur activité. La rémunération est ainsi reléguée au 6ème rang des motivations, citée par 19% des indépendants.

Certains ont fait ce choix tout simplement parce qu’ils préfèrent travailler seul (17%) ou encore parce qu’ils souhaitaient  créer une activité nouvelle ou innovante (14%).

Enfin, 10% des indépendants évoquent la possibilité de vivre où ils le souhaitent, 4% l’incitation de leur entourage et 1%  le financement de leurs études.

Spontanément, les participants aux réunions de groupe ont mis en avant le fait qu’ils aient choisi l’indépendance en  raison d’une quête de sens ou pour exercer un métier plus adapté à leurs envies. Certains se sont aussi tournés vers  l’indépendance après un départ contraint ou souhaité du salariat, jugé parfois trop enfermant ou trop cadré, ou encore  face à l’absence d’opportunités salariées.

« À 40 ans j’ai réalisé que je n’étais pas fait pour le salariat. »

« J’ai profité d’un plan social. Je voulais nourrir mes valeurs, ma famille et mon cerveau. »

« A mon âge, j’ai 53 ans, on me proposait plus des missions que des CDI. »

3) Les travailleurs indépendants bénéficient d’une excellente image dans l’opinion (92%)

Les Français plébiscitent les travailleurs indépendants ; 92% d’entre eux affirment en effet en avoir une bonne image.

A leurs yeux, ils cumulent de nombreuses qualités. Les Français les qualifient en effet de courageux (90%), d’autonomes  (89%), de passionnés (87%), de polyvalents (82%) et de libres (75%). Il faut aussi, selon eux, apprécier la solitude : 63%  des Français jugent qu’ils sont solitaires.

En d’autres termes, les indépendants bénéficient d’un a priori très positif dans l’opinion, qui peut les rendre  particulièrement audibles et puissants dans le débat public.

Et ces résultats très positifs devraient rassurer les indépendants qui ont indiqué lors de la phase qualitative qu’ils se  sentaient mal aimés par l’Etat et par les Français.

« Il y a de la jalousie, les gens ne comprennent pas. Pour eux, tout ce qu’on encaisse tombe dans notre poche, ils sont  jaloux et ne voient pas ce qu’il y a derrière. »

« Le statut d’indépendant est mal vu par la société, la société France n’aime pas les autoentrepreneurs, c’est vrai pour la  retraite, la mutuelle, l’URSSAF, les banques/assurances. On cotise à tout et on a moins. On est les bannis de la société sur le  plan travail. »

4) La formation est encore marginale chez les indépendants

Les indépendants sont assez éloignés de la formation. Certes, 53% d’entre eux affirment avoir été formés pour des  compétences spécifiques à leur métier, mais cela correspond globalement à la même proportion que ceux qui n’ont pas  totalement changé d’activité.

Si l’on s’intéresse à des compétences nécessaires à l’ensemble des indépendants, on constate des niveaux nettement plus  faibles d’accès à la formation ; seuls 37% ont été formés à la création d’entreprise, 33% au numérique, 32% à la gestion  d’entreprise et seulement 25% aux techniques commerciales.

Surtout, ce retard n’a jamais vraiment été rattrapé pour bon nombre d’entre eux : 62% des indépendants n’ont bénéficié d’aucune formation professionnelle depuis leur lancement, 14% ont suivi une formation et 24% plusieurs.

5) Résultat, certains rencontrent des difficultés, notamment en matière de compétences commerciales (37%), juridiques (35%)  et fiscales (34%)

Le résultat du déficit de formation des indépendants se retrouve dans les difficultés qu’ils rencontrent. Si la quasi-totalité  d’entre eux (96%) se sent à l’aise voire très à l’aise (62%) pour s’organiser seuls dans leur travail, certaines dimensions leur  posent davantage de difficultés.

La première est commerciale : 37% des indépendants se déclarent en difficulté en la matière et seulement 15% se sentent  très à l’aise. Même constat en matière juridique (35% en difficulté pour 13% très à l’aise) et en matière de comptabilité et  fiscalité (34% en difficulté pour 14% très à l’aise).

Enfin, 17% des indépendants sont en difficulté avec le numérique et l’informatique.

Si les indépendants, et notamment les autoentrepreneurs, ont souligné dans l’enquête qualitative la simplicité avec laquelle ils  ont créé leur micro-entreprise, ils ont également insisté sur le fait qu’ils se sont retrouvés ensuite assez perdus pour bien  comprendre comment gérer leur activité, un manque de « compétences périphériques » pouvant aller jusqu’à mettre en péril  l’activité.

« C’est facile au niveau autoentrepreneur pour faire ses comptes, mais au niveau juridique on est laissés à l’abandon, c’est difficile d’obtenir des infos. »

« On est tous des handicapés des papiers. »

« On a notre spécialité, mais il faut faire l’administration, la compta, se tenir à jour, commercial, les aspects réglementaires, toutes ces casquettes à porter. »

II. Conditions de travail et difficultés liées au statut d’indépendant

L’indépendance est aussi synonyme de sacrifices

Une proportion importante d’indépendants cumule un autre statut : demandeur d’emploi (19%), salarié (14%) ou encore retraité (13%)

Être indépendant ne signifie pas toujours l’être à temps plein. Ce statut offre en effet une grande souplesse et une part  importante d’entre eux cumule un autre statut en parallèle.

Près d’un indépendant sur cinq (19%) est en effet demandeur d’emploi et 6% sont allocataires du RSA. La crise que nous  traversons et l’impact de cette dernière sur certaines activités des indépendants viennent probablement garnir davantage  ces rangs.

Pour d’autres, l’indépendance est synonyme de compléments de revenus. 14% des indépendants sont en effet salariés en  parallèle. Parmi eux, l’activité indépendante s’ajoute à leur activité salariée. Pour d’autres, être salarié est nécessaire pour  compléter des revenus indépendants insuffisants.

L’indépendance peut aussi représenter une solution avant ou après leur carrière : 13% d’entre eux sont en effet retraités en parallèle et 2% sont étudiants.

En moyenne, un indépendant travaille 37,5 heures par semaine, 41 heures lorsqu’il n’a pas d’autre statut en parallèle

Nous l’avons constaté, la possibilité d’organiser son emploi du temps est l’une des principales motivations de ceux qui ont  choisi de devenir indépendant. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils travaillent moins que les salariés.

En moyenne, un indépendant français dédie 37,5 heures par semaine à son activité. Mais cette moyenne masque de grandes  disparités ; 15% d’entre eux font en effet moins de 20 heures, 13% de 25 à 29 heures et 18% de 30 à 39 heures.

Cela signifie que la majorité des indépendants travaillent plus de 40 heures. 26% font ainsi 40 à 49 heures par semaine. Ils sont  même plus du quarts (28%) à travailler 50 heures par semaine ou plus.

Si l’on met de côté ceux pour lesquels l’indépendance complète un autre statut, c’est à dire les indépendants parallèlement salariés, retraités ou étudiants, le temps de travail hebdomadaire grimpe à 41 heures en moyenne.

Notons aussi que les autoentrepreneurs travaillent moins (32,5 heures) que les autres statuts d’indépendants (42 heures).

Enfin, ces moyennes masquent probablement aussi une irrégularité du nombre d’heures travaillées chaque semaine par les  indépendants, celui-ci pouvant varier fortement selon les charges de travail ponctuelles, une saisonnalité de l’activité et la  conjoncture économique.

De nombreux participants à l’enquête qualitative ont aussi souligné que leur cadre de travail flexible imposait de savoir organiser  son temps. Le planning de leur activité et leur charge de travail irrégulière peuvent notamment générer des contraintes dans la  vie de couple, de famille ou les loisirs (horaires parfois atypiques, changeants d’une semaine sur l’autre, difficulté à prendre des  vacances).

« Je commence à l’heure les autres finissent (éducateur sportif). »

« D’une semaine à l’autre on peut passer de 20h à 70h. Il faut faire comprendre pourquoi on est dispo et la semaine suivante à l’agonie. »

« On a une organisation différente, moi je vois un côté positif, ça me permet d’être plus présent dans ma famille. Et ça a rétabli  un équilibre qui me convient mieux. »

3) La moitié des indépendants travaille à domicile et 92% d’entre eux affirment travailler dans de bonnes conditions

Au-delà d’un temps de travail souvent supérieur à celui des autres actifs,  les indépendants font aussi  face à un autre

paramètre rendant la dissociation entre vie personnelle et vie professionnelle plus délicate.

Un indépendant sur deux (49%) nous confie en effet travailler principalement à domicile. C’est visiblement la solution  privilégiée lors du début de l’activité : 73% de ceux étant indépendants depuis moins d’un an travaillent chez eux.

Les autres indépendants se répartissent entre un local dédié -comme un bureau-, un commerce ou un atelier (26%) et  l’itinérance (chauffeurs, activités extérieures ou commerciales) pour 23%. Seuls 1% des indépendants travaillent dans un  espace de coworking ou une pépinière.

Quel que soit leur lieu de travail, les indépendants affirment travailler dans de bonnes conditions (92%) même si l’essentiel

d’entre eux est « plutôt » satisfait (60%) que « très » (32%).

4)Les indépendants rencontrent des difficultés importantes en matière de logement (45%) et de soins (45%)  Les indépendants rencontrent des difficultés spécifiques liées à leur statut.

En matière de logement, nombreux sont ceux à avoir du mal à convaincre une agence ou un propriétaire pour trouver une  location ou encore à trouver une banque pour financer leur emprunt immobilier. Lorsqu’ils ont dû chercher un logement sous  ce statut, 45% des indépendants nous confient avoir rencontré des difficultés. 22% affirment même en avoir rencontré « beaucoup ».

Autre sacrifice lié, nous le verrons, à un déficit de protection sociale chez les indépendants : les soins. Pas moins de 45% des  indépendants déclarent avoir déjà renoncé ou reporté des soins pour des raisons financières comme des sommes à avancer  ou des restes à charges trop élevés.

La grande majorité des participants aux réunions de groupe qualitatives ont mis en avant le fait qu’ils avaient des relations  négatives avec les banques qui leur font très peu confiance. Un manque de confiance des banques qui pèse notamment sur  la capacité à obtenir des prêts bancaires et à accéder à la propriété. L’accès au logement à la location est également jugé  difficile.

« Il y a zéro confiance, on ne vous prête rien, pas de bagnole, pas de maison. » (Métropoles)

« J’ai voulu acheter l’an dernier, avant le confinement pas de soucis, après le covid rien, je n’ai pas pu acheter « vous êtes dans l’évènementiel » c’est ce qu’on m’a dit. »

« J’ai été seul, j’ai essayé de trouver un appartement, mon compte fonctionnait bien, mais autoentrepreneur personne ne  loue. »

III. Protection sociale et  représentation

La protection sociale et la représentation : les deux talons d’Achille du statut d’indépendant

1) Hormis la maladie et la responsabilité civile professionnelle, aucun risque social n’est couvert chez la majorité des  indépendants

Comme la plupart des acteurs économiques (entreprises, salariés…), les indépendants sont exposés à des risques sociaux.  Aujourd’hui en France, l’indépendance signifie aussi faire des choix dans la couverture de ces risques. A la lecture des résultats  de notre enquête, la précarité des indépendants est élevée en la matière.

Les indépendants sont en effet majoritairement couverts pour deux risques seulement : 79% d’entre eux bénéficient d’une  complémentaire santé et 74% ont une responsabilité civile professionnelle qui est parfois une obligation ou imposée par leurs  clients.

Hormis cela, aucun risque n’atteint le seuil des 50% ;

seuls 46% des indépendants sont couverts pour incapacité et 45% pour invalidité. Leur avenir n’est pas non plus assuré. : 42%  des indépendants ont une retraite complémentaire.

Enfin, la perte d’activité est totalement mise de côté par les indépendants : seuls 14% d’entre eux sont couverts.

Ceux qui travaillent avec des plateformes ne sont que très marginalement soutenus par ces dernières. 17% d’entre eux nous  confient qu’elles prennent en charge une partie du coût de leur protection sociale.

Lors de la phase qualitative, très peu de participants ont déclaré avoir souscrit une retraite complémentaire, des assurances  chômage ou invalidité pour des raisons de coûts. Le choix de la couverture sociale étant souvent considéré comme la possibilité  de réaliser une économie ou comme un sujet devant faire l’objet d’un arbitrage, entre son coût élevé et les chances (présumées  réduites) de rencontrer une difficulté.

« C’est le problème, la couverture, moi je prie chaque jour pour ne pas me casser une jambe. »

« C’est toi et ta chance, tu ne tombes pas malade durant trente ans et tu l’as dans l’os, et tu peux faire l’inverse. Ça fait trois ans

que je ne fais pas d’arrêt maladie mais je peux me blesser demain. »

« Je ne paierai pas une assurance, j’ai la RC PRO et c’est la seule chose que je paie. Je la paie depuis 10 ans pour rien, et c’est juste  pour le client. »

« Je suis au minimum, je pensais évoluer et c'est le problème d’argent qui freine, on croise les doigts. On fait des activités à  risques. »

2) 41% des indépendants ont hésité à le devenir à cause de la protection sociale, c’est aussi le premier frein chez les Français qui  auraient aimé l’être

La protection sociale est l’un des principaux freins pour se lancer. Parmi les indépendants interrogés dans notre étude et qui ont  donc franchi le cap, 41% avouent avoir hésité pour des raisons liées à la protection sociale. 14% ont même beaucoup hésité.

Voilà pour ceux qui ont passé le cap. Mais d’autres auraient aussi souhaité le faire. 24% des Français affirment en effet qu’ils ont envisagé de travailler en tant qu’indépendant mais qu’ils se sont résignés.

La première raison qui les en a empêchés est justement la protection sociale, qu’ils ont jugés insuffisante (43%). Ce  facteur devance même des questions essentielles avant de se lancer : le doute sur la réussite du projet (39%), l’équilibre  avec la vie de famille (30%), la crainte de la pression (22%) et celle de travailler seul (10%).

3) Les cotisations obligatoires des indépendants sont en moyenne de 475€ par mois et ils contribuent volontairement à hauteur de 182€ par mois

La cotisation sociale obligatoire d’un indépendant s’élève en moyenne à 475 euros par mois. Ce montant moyen  masque des disparités importantes chez les indépendants. D’abord, selon leur profil. La moyenne chute en effet à 369€  chez les autoentrepreneurs et à 282€ chez les indépendants ayant 1 à 4 années d’ancienneté pour s’élever à 571€ chez  les autres statuts et à 622€ chez ceux qui ont plus de 20 ans d’ancienneté.

Plus globalement, le montant des cotisations obligatoires est très hétérogène. Près d’un indépendant sur cinq (18%)  déclare ne rien cotiser. Il est probable que ces derniers ne considèrent pas ces cotisations comme de la protection  sociale ou bien qu’ils n’aient pas réalisé de chiffre d’affaires sous le statut d’autoentrepreneur. Pour les autres, 24%  cotisent moins de 100 euros, 15% de 100 à 199 euros, 19% de 200 à 499 euros, 11% de 500 à 999 euros et enfin, 13%  des indépendants ont une cotisation obligatoire de 1000 euros ou plus.

Leurs contributions volontaires sont donc nettement plus faibles : en moyenne 182€ par mois. Là encore, on retrouve les  mêmes disparités selon le statut (AE : 143€, pour 218€ chez les indépendants classiques) et ancienneté (108€ chez les  indépendants récents jusqu’à 250€ chez ceux qui ont le plus d’ancienneté). Notons que seuls 8% des indépendants  placent plus de 500 euros par mois dans leurs contributions privées.

En d’autres termes, la « marge de cotisation » est, pour l’essentiel des indépendants, trop faible. Bon nombre d’entre eux ne  peuvent pas se permettre de s’assurer une meilleure protection sociale. Résultat, 68% des indépendants déclarent ne pas être  prêts à cotiser davantage pour bénéficier d’une meilleure protection sociale.

Dans la phase qualitative, les participants ont également indiqué que s’ils font une économie sur leur couverture sociale c’est aussi parce qu’ils doivent veiller à mettre de l’argent de côté compte-tenu de l’incertitude qui caractérise leur activité.

« Chez nous, il peut y avoir des petits et grands mois, donc ça oblige à raisonner en fourmi et pas en cigale. Donc quand vous gagnez un peu vous mettez de côté. »

4) Indépendants et Français s’accordent sur le manque de représentation du statut et sur le fait que les indépendants sont mal  représentés

Les indépendants sont-ils les parents pauvres du dialogue social ? C’est en tout cas le diagnostic qu’ils font et que les Français ne contestent pas du tout.

Les chiffres sont éloquents. D’abord, 66% des indépendants et 71% des Français estiment qu’ils sont mal représentés et défendus  par les organisations professionnelles et syndicales. Ils sont ensuite respectivement 77% et 68% à affirmer qu’ils sont mal pris en  compte dans la politique économique et sociale. Enfin, 81% des indépendants et 73% des Français considèrent qu’ils ne sont pas  écoutés pour les décisions qui les concernent.

Dès lors, quelle forme peut prendre la représentation des indépendants ? Notons que seuls 17% des indépendants affirment ne  pas souhaiter être représentés par des organisations professionnelles, signe de ce besoin pressant de représentation.

Pour défendre et construire leurs droits, ils préfèrent en premier lieu le modèle de plateformes qu’ils peuvent solliciter en cas  de difficulté (40%). Ils optent ensuite pour les collectifs locaux ou spécifiques par activité (30%). Enfin, seuls 9% d’entre eux  préfèrent être défendus par des syndicats traditionnels.

Spontanément, les indépendants participants aux réunions de groupe ont quasi-unanimement indiqué ne pas avoir ou ne pas  exprimer de revendications sociales. Ceci venant principalement du fait qu’ils se sentent isolés et peu pris en compte ou  représentés.

« La question est : je revendique mais auprès de qui ? Je peux revendiquer, je peux aller à des manifs mais, on n’est pas représentés nous les indépendants. J’ai déjà signé des pétitions, mais je ne me sens hyper pas représentée. »

« La difficulté des indépendants, c’est qu’on est 2 millions fois un, et les salariés ont un patron pour 100 000 salariés. »

« On est invisible, on est des personnes seules donc pas visibles. »

« Il est grand temps que les indépendants puissent se regrouper dans une fédération qui puissent les représenter. Donc pour  dire ON EXISTE. On représente une force dans la société. »

« Une entreprise achète une protection pour 500 mille, mais nous, on nous achète un par un, donc tarif de malade. Donc on  cotise plus pour avoir moins, ce n’est pas normal. Si on peut cotiser comme si on était des millions on pourrait avoir des  cotisations pour moins cher. »

IV. Effets du Covid-19

Les indépendants sont particulièrement touchés par la crise sanitaire et saluent le soutien de l’Etat

1) La crise sanitaire a affecté l’activité de 84% des indépendants

La quasi-totalité des indépendants déclare avoir été touchée par la crise sanitaire. 84% d’entre eux affirment qu’elle a affecté  leur activité, 55% déclarant même qu’elle a « beaucoup » affecté leur activité.

De fait, ils ont quasiment tous (81%) été touchés par une conséquence directe ou indirecte de la crise.

Certains ont en effet été touchés par des contraintes administratives partielles pour exercer leur activité (43%) et pas moins de  27% des indépendants ont dû faire face à une fermeture administrative totale.

Mais ce sont les conséquences indirectes de cette crise qui ont affecté le plus d’indépendants. Les deux tiers d’entre eux (65%)  ont vu des missions ou des contrats annulés à cause de la crise sanitaire. 27% d’entre eux ont aussi dû faire face à des retards  de paiement.

Résultat, 18% des indépendants rencontrent des difficultés pour payer les loyers et charges et leur lieu de travail.

Face à la crise sanitaire, à l’image des mouvements qui ont affecté l’économie nationale, les participants à l’enquête qualitative  ont déclaré qu’ils avaient été très inégalement touchés, les pertes variant selon les secteurs d’activité et l’ampleur des mesures  sanitaires qui ont touché la profession exercée.

« J’ai perdu mes deux mandats, et c’est arrivé brusquement, les PME ont tout de suite craint et les ont supprimés. On m’a arrêté  mon contrat. »

« J’ai été à moins 4.5% sur le chiffre d’affaires, donc c’est potable. Par précaution j’avais divisé ma rémunération par deux car  je ne savais pas j’allais »

« Je fais de la formation numérique, donc mon activité à explosé. »

2) Le chiffre d’affaires et la rémunération des indépendants ont baissé de près de 20% entre 2019 et 2020

Les effets de la crise sanitaire touchent tous les pans de l’économie française. D’après l’Insee, le PIB du pays a chuté de 8,3%  en 2020.

Notre étude révèle que les indépendants sont deux fois plus touchés que la moyenne nationale. Avec 38 679€ de chiffre  d’affaires moyen, les indépendants ont perdu 17% par rapport à 2019 (46 419€). C’est colossal, d’autant que ces moyennes  masquent des disparités importantes. En cela, la médiane, permet de souligner les effets mécaniques de ces pertes. En 2019,  la moitié des indépendants se situaient au-dessous de 21 974€ de CA. En 2019, cette médiane chute à 17 000€, soit une  baisse de 23%. Autoentrepreneurs ou autres statuts, tous sont touchés par cette crise. On constate en revanche des  différences sectorielles : stabilité globale dans les secteurs agricoles, industriels et du bâtiment mais des baisses importantes  en commerce, hébergement et restauration et plus encore dans les services.

Avec un chiffre d’affaires en chute libre, les indépendants ont très rapidement vu les effets concrets sur la rémunération qu’ils  tirent de leur activité. De 16 390€ nets imposables en 2019, celle-ci s’est effondrée à 12 849€ en 2020, soit 22% de baisse en  moyenne. La médiane est encore plus inquiétante pour les indépendants : 9 000€ en 2019 et 5 000€ en 2020, soit une baisse  de 44%.

Là encore, les secteurs les plus touchés sont le commerce, l’hébergement, la restauration (-20%) et les services (-26%) quand les indépendants de l’agriculture, de l’industrie et du BTP ont perdu en moyenne 5% de leur rémunération.

Résultat, 60% des indépendants affirment aujourd’hui que le revenu qu’ils tirent de leur activité n’est pas suffisante pour  vivre correctement.

Lors des réunions de groupe, les participants ont semblé inégalement touchés, certains ayant été directement impactés  par les mesures sanitaires.

« Je n’ai pu faire aucun marché de Noël avec mes créations, donc CA zéro. »

« Tout ce qui est sport en milieu clos c’est toujours interdit, j’ai eu un gros impact. » (Éducateur sportif)

3) Le soutien de l’Etat est apprécié par les indépendants : 58% d’entre eux sont satisfaits des aides, mesures et de l’accompagnement apportés

D’abord oubliés des mesures de soutien à l’économie, les indépendants ont ensuite pu accéder à différentes aides publiques pour les aider à traverser la crise.

L’essentiel de leurs demandes ont été satisfaites : 57% ont sollicité au moins une aide et 53% l’ont obtenue.

En tête, le fond de solidarité, sollicité par 50% des indépendants et obtenu par 46% d’entre eux, devant le report  d’échéances (19% et 16%) et le PGE (12% et 9%). Certains ont demandé des reports de paiement de loyer (9%) mais seuls  5% l’ont obtenu. Certains travailleurs de plateformes ont été aidés par ces dernières mais le phénomène est marginal : 7%  pour 11% de sollicitations.

Résultat, les indépendants saluent l’aide, les mesures et l’accompagnement de l’Etat durant cette période. 58% en sont  satisfaits. Ils sont en revanche plus critiques à l’égard des collectivités locales (39%) et surtout à l’égard des banques et  assurances (32%). Enfin, 40% des travailleurs de plateformes se déclarent satisfaits de l’aide de ces dernières durant la  crise.

Face à une activité en chute libre plaçant de nombreux indépendants dans la précarité, les aides publiques ont donc joué  un rôle essentiel, au point que les indépendants comptent bien, pour l’essentiel, continuer dans cette voie : 92% pensent  l’être encore dans 6 mois.

Ainsi, si les indépendants ont déclaré dans la phase qualitative que leur liberté implique responsabilité et discipline, ils ont  aussi exprimé le fait qu’ils sont très optimistes, un trait de caractère incontournable selon eux pour « durer » dans cette  voie.

« Ça a baissé, mais l’Etat est à la hauteur, ils ont quand même soutenu les différentes professions. »

« Dans les autres pays il n’y a pas eu ça, c’est exceptionnel ce qu’il y a en France, l’Etat a été à la hauteur »

« J’ai eu plusieurs fois l’opportunité de postuler dans le privé mais impossible que je change de statut, j’aime trop ma  liberté. »

Emile Leclerc, directeur d’études

La Méthodologie

Recueil

  • Échantillon d’auto-entrepreneurs et d’indépendants interrogés par Internet du 29 janvier au 24 février 2021.
  • Échantillon de Français interrogés par Internet les 17 et 18 février 2021.

Échantillon

  • Échantillon représentatif de 2 119 indépendants et auto-entrepreneurs. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, statut et secteur d’activité.
  • Échantillon de 1 005 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon est assurée par la méthode des quotas appliqués aux variables suivantes : sexe, âge, niveau de diplôme et profession de l’interviewé après stratification par région et catégorie d’agglomération.
  • Trois Focus group de 6 à 7 indépendants ont été réalisés pour approfondir les résultats.

Précisions sur les marges d’erreur

Chaque sondage présente une incertitude statistique que l’on appelle marge d’erreur. Cette marge d’erreur signifie que le résultat d’un sondage se situe, avec un niveau de confiance de 95%, de part et d’autre de la valeur observée. La marge d’erreur dépend de la taille de l’échantillon ainsi que du pourcentage observé.

Si le pourcentage observé est de
Taille échantillon5% ou 95%10% ou 90%20% ou 80%30% ou 70%40% ou 60%50%
1004,46,08,09,29,810,0
2003,14,25,76,56,97,1
3002,53,54,65,35,75,8
4002,23,04,04,64,95,0
5001,92,73,64,14,44,5
6001,82,43,33,74,04,1
8001,52,52,83,23,53,5
9001,42,02,63,03,23,3
10001,41,82,52,83,03,1
20001,01,31,82,12,22,2
30000,81,11,41,61,81,8
Lecture du tableau : Dans un échantillon de 2000 pe1,1rsonnes, si le pourcentage observé est de 20% la marge d’erreur est égale à 1,8% : le pourcentage réel est donc
compris dans l’intervalle [18,2 ; 21,8]

Pour en savoir plus :

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